Le lycée François Arago de Perpignan
Du « Vieux Bahut » au « Nouveau Lycée »
Le passage du « Vieux Bahut » au « Nouveau Lycée » a été cité à plusieurs reprises mais, parfois, les dates indiquées ne coïncident pas rigoureusement avec les évènements.
Dans un remarquable ouvrage (2008. « Du vieux bahut au nouveau lycée ». Histoire du Lycée Arago. Perpinyà 1808-2008. Éditions Terra Nostra, Prades, VIII : 304 p.), Jean-Marie Rosenstein rappelle les péripéties de l’enseignement secondaire à Perpignan depuis le Traité des Pyrénées jusqu’à la création du Collège public de Garçons en 1808, devenu Lycée d’État François Arago en 1945. L’entrée de l’établissement était située rue Porte d’Assaut, tandis que les élèves entraient par la rue du Dr Zamenhof. Juste à côté, simplement séparée par l’étroite rue Henri Abbadie, l’annexe abritait les dortoirs et, après la fusion avec la « Sup », les ateliers.
Pour Christian Camps (2002. Perpignan d’hier à aujourd’hui. Éditions de la Tour Gile, Péronnas : 864 p.) : « De 1945 à 1955, la construction [du Nouveau Lycée] se poursuit, ainsi que les aménagements intérieurs. Dès 1948, quelques classes peuvent y fonctionner […]. Le 8 octobre 1953, le Lycée est inauguré par le ministre de l’Éducation nationale, André Marie. Deux ans plus tard [soit 1955], seules les classes de 6e et de 5e vont rester quelques temps encore au vieux Collège (avec les classes primaires, qui allaient y subsister jusqu’en 1967). » (p.361 et 363).
Les travaux du « Nouveau Lycée » commencent en 1936 avec la pose de la première pierre le 26 août. Le gros œuvre est terminé en 1939 mais tout est interrompu par la Seconde Guerre mondiale (Rosenstein, op. cité, p.159). Pendant cette triste période, passant en autobus devant cette imposante bâtisse en brique rouge qui m’avait probablement impressionné, j’avais demandé à ma mère de quoi il s’agissait et elle m’avait répondu : « C’est une caserne »…
Jean-Marie Rosenstein indique (op. cité, p.161) : « Une dizaine de classes seulement purent être aménagées et fonctionner en 1949 [au Nouveau Lycée] ». La plaque commémorative qui vient d’être apposée à la Dalle Arago situe en 1952 la migration vers le nouvel établissement.
Dans son rapport du 6 juin 1950 (in Rosenstein, op. cité, p.161), le proviseur Jean Villain écrit : « Les 13 salles (dont 12 salles de classe) que nous occupons au Nouveau Lycée depuis octobre 1949 nous donnent satisfaction. Nous comptons en octobre prochain [1950] installer dans les nouveaux bâtiments toutes les classes du premier Cycle […]. Le réfectoire des demi-pensionnaires n’avait même pas été prévu dans le plan qui m’a été communiqué, non plus que les logements du personnel de l’Intendance […]. Nous ne pourrons envisager d’installer au Nouveau Lycée le deuxième Cycle que quand les salles spécialisées auront été aménagées, en particulier la salle de physique et de chimie… ». Il souligne déjà l’exigüité de ce nouvel établissement par rapport aux effectifs et aux projets (fusion avec le « Collège moderne et technique ») du moment.
En octobre 1948, lorsque je suis entré en 6e au Lycée Arago, toutes les classes étaient encore au « Vieux Bahut ». Passant en 5e en octobre 1949, nous étions encore tous au « Vieux Bahut » et ce n’est qu’après les vacances de Noël, à la rentrée de janvier 1950, que les classes de 6e et de 5e ont migré au « Nouveau Lycée » où nous occupions les locaux entourant la cour Est (cour des Petits) qui borde le Ganganell.Mais point de réfectoire et, à midi, nous rejoignions le vieux lycée d’où nous revenions pour reprendre les cours à 14h.
Octobre 1950, nous avançons d’un cran et les nouvelles classes de 4e restent au « Nouveau Lycée » mais je n’ai pas gardé de souvenir des salles que nous utilisions. Les nouvelles 3e qui avaient effectué leur 4e au « Vieux Bahut » continuent leur scolarité sur place. L’année suivante (octobre 1951), nous franchissons une nouvelle étape sur place et le « Nouveau Lycée ». Le premier Cycle est alors complet au « Nouveau Lycée ». À cette date, nous occupions les salles donnant sur la cour centrale (cour des Moyens) et peut-être le gymnase.
Octobre 1952, nous voilà en 2de et nous revenons au « Vieux Bahut » où nous rejoignons les classes de 1re et les Terminales. Mais où se trouvaient les réfectoires ?
Deux évènements importants marquent l’année 1953 : l’inauguration du « Nouveau Lycée » (8 octobre) et la fusion du Lycée de garçons [Lycée Arago] et du Collège moderne de garçons [la Sup] par décret publié au Journal Officiel du 21 octobre (Rosenstein, op. cité, p.172-173).
Rosenstein (op. cité, p.176) évoque les échanges internationaux, en particulier avec les établissements scolaires de Gérone. On peut rappeler, dans le cadre d’un voyage d’échanges (sans doute réservé aux hispanisants du second cycle), la visite de cette ville sous la direction de Marcel Durliat le 5 novembre 1953. C’était la fête de Gérone et, pour un certain nombre d’entre nous, l’après-midi (libre ou « libéré ») se passa à la foire en compagnie de nos « consœurs catalanes ».
Le second Cycle demeure dans les locaux du « Vieux Bahut » jusqu’en octobre 1955 puisque c’est à cette date que le « Nouveau Lycée » est effectivement entièrement occupé, réfectoires et dortoirs compris, comme l’indiquent « Terres catalanes » (2004, n°35, p.50) et Terra Nostre (op. cité, p.173). À l’époque je ne me suis pas rendu compte du devenir des 6e et des 5e. Si, à cette date, on les localise au « Vieux Bahut » (Rosenstein, op. cité, p.173), elles y retournèrent puisqu’elles en étaient parties en janvier 1950. Il s’agit sans doute des classes à propos desquelles Jean Banus écrit dans « Ricochet » (février 2004, p.58) : « J’ai eu le privilège de faire partie de la dernière « cuvée » qui a fréquenté les antiques locaux de l’ancien lycée, quand il se trouvait encore sur ce qui deviendra l’actuelle « Dalle Arago ». C’était l’année 1958/1959. » La réinstallation et la présence des petites classes au « Vieux Bahut » reste peut-être à déterminer avec plus de précision.
Dans un article sur le 80e anniversaire de la construction du « Nouveau Lycée », Isabelle Bley (L’Indépendant Catalan, 23 septembre 2016, p.8) situe en 1961 la démolition des bâtiments du « Vieux Bahut ». Encore une date erronée, puisque c’est en 1970, le 19 mai pour être précis. En effet, le 20 mai (p.3) L’Indépendant publie une photographie titrée : « Dernier adieu au “bahut”… » et légendée : « Hier, entre 12h et 13h, le dernier pan de mur de l’ancien Lycée Arago a été démoli. On a fait table rase du passé. A la place, et en attendant mieux, on pourra disposer d’un vaste parking pour cet été » (Photo A.J. – L’Indépendant). Avant cet arasement total, les grandes cours avaient déjà servi de parking occasionnel.
Dans la préface de Terra Nostra (2008, n°VIII, p.9), Yvan Bassou rapporte que la mixité au Lycée Arago a été officialisée en 1974 en précisant que « quelques filles y ont suivi des cours de maths avant la guerre de 1940 ». Déjà en 1916 ou 1917 (classe de Math-Elem d’Octave Mengel, Terra Nostra, n°VIII, p.240) et surtout après la guerre de 1940 comme le confirment les photos de classes reproduites dans Terra Nostra (2008, n°VIII) au moins depuis 1947 pour les Sciences-Ex et les Math-Elem, sections qui n’ont pas toujours existé au lycée de jeunes-filles.
Une paire d’anecdotes liées à cette mixité se rattachent aux cours de mathématiques de Math-Elem. M. Perrin aurait demandé à une élève de marquer cinq points au tableau ; celle-ci, hésitant à placer le dernier point aurait reçu l’apostrophe suivante : « Alors tu les pointes ces « cinqs » ? » De son côté, Raymond Gual rapporte la plus « osée » (p.4) dans l’avertissement introduisant le même ouvrage. Une autre concernerait encore M. Perrin qui officiait dans une salle située au rez-de-chaussée de la cour d’honneur. En guise de punition, les élèves avaient dû se mettre debout sur les tables et lever les bras. Le surveillant général, M. Colomines dit « Coco », passant dans la cour et apercevant cette situation si particulière et si surprenante, serait entré pour s’enquérir de ce qui se passait. M. Perrin lui aurait claqué la porte au nez sur ces mots : « T’occupes ! Ils nettoient le plafond ».
Dans cet avertissement d’une grande finesse, Raymond Gual (p.4-5) rappelle d’autres anecdotes amusantes. D’autres restent probablement à redécouvrir. En cours de Français, M. Calvayrac, surnommé « Pounet », analysant une œuvre classique, affirme « Ces sentiments sont naturels en soi » et Pierrot Dos fait alors remarquer : « Ma cravate est en soie naturelle ». Dans le même registre, il y aurait aussi l’expression d’un professeur de lettres que se serait lamenté : « Chaque fois que j’ouvre la bouche, il y a un imbécile qui parle ».
En cette période du Centenaire de la Première Guerre mondiale, rappelons que le Collège de Garçons a hébergé un hôpital temporaire (n°42)[2], rapidement renommé « complémentaire », de 1914 jusqu’en 1916, lorsque les établissements scolaires qui avaient été réquisitionnés par l’Armée, furent rendus à leur rôle habituel.
Le monument aux morts situé dans la cour d’honneur (cf. Terra Nostra, VIII : p.212), œuvre du sculpteur Raymond Sudre, a disparu lors de la destruction des bâtiments. C’est bien regrettable…
Dans le même registre, on peut avoir une pensée pour l’aspirant Buffet, héros du Fort de Vaux (Bataille de Verdun), qui a été professeur de mathématiques au Lycée Arago.
Remerciements. Que soient remerciés Jean-Marie Rosenstein, pour la mine d’informations qu’il a rassemblées dans l’album réalisé à l’occasion du bicentenaire du « Bahut », Raymond Gual, pour l’édition de cet ouvrage et l’émouvant avertissement qui le précède, ainsi que les anciens : Robert Bourgat, Élie Malé, Guy Santesmases, qui m’ont communiqué ou confirmé certaines informations.
Guy Oliver
« Aragoyen » [3] 1948-1956
PS – Toutes rectifications ou informations complémentaires seront les bienvenues. Par avance, merci.
[1] - Certains noms ont été difficiles à déchiffrer, il peut subsister des erreurs de transcription.
[2] - Tout renseignement et/ou document concernant cette formation sanitaire serait apprécié pour compléter une étude en cours.
[3] - Je me permets de reprendre le terme qu’utilisent nos collègues du Laboratoire Arago à Banyuls-sur-Mer pour qualifier leur appartenance à cet établissement universitaire.