Quand les lycéens d'Arago redécouvrent les forces de l'ordre
En fin d'année scolaire 2022, les uniformes ont défilé au lycée Arago de Perpignan pour les élèves de première spécialité HGGSP (histoire-géographie-géopolitique et sciences politiques) de Laetitia Cologni. Le temps d’un projet, sa classe a été confrontée aux forces de l’ordre locales pour se comprendre… mutuellement.
"CRS et flics au lycée ! Chelou madame !". Quatre heures plus tard, le même : "Les CRS super sympas ! Au top madame !" Quatre heures pour rebaptiser un slogan et emballer un ado, objectif atteint. La synthèse de Valentin confirme l’impression : "J’ai été, comme beaucoup de jeunes, influencé par les critiques envers la police décriée pour ses excès de violence, surtout pendant la crise des gilets jaunes. Là, j’ai bénéficié d’un avis concret qui a modifié mon point de vue".
Laetitia Cologni approfondit ses leçons par un projet personnel de sciences politiques. "Cette année, le rôle des forces de l’ordre dans la démocratie a surpris mes 36 élèves. L’opinion publique est capable d’aduler sa police pendant les attentats, puis de la détester après une manifestation qui dégénère. Je voulais recentrer objectivement le sujet. L’idée était de rencontrer les institutions policières et militaires locales, comprendre missions et vécu en cassant les clichés regrettables".
Ainsi le discours théorique de l’enseignante s’est effacé au profit de "l’authenticité irremplaçable d’une parole de terrain. Toutes les structures sollicitées ont joué le jeu, même les moins habituées au contact scolaire". Philippe Rouch, directeur général de la police municipale de Perpignan, a envoyé son directeur du pôle proximité Hadi Semaïl et le brigadier-chef principal Manuel Erband pour une prise de contact très interactive. Investie, la PM a grand ouvert ses portes, organisé des ateliers « incroyables » avec les brigades cynophiles, VTT et le centre de vidéoprotection. Les jeunes ont aussi patrouillé en ville avec des îlotiers fiers de montrer leur engagement auprès des Perpignanais.
Retrouvant son ancien bahut, madame le commandant Rachel Berger et le major NadiaVidal ont expliqué la variété des missions de la police nationale. Concernant l’armée, l’adjudant Sébastien Joly a offert une séance de haut vol sur les Opex (opérations extérieures). Le commandant Bernard Duluc de la police judiciaire a captivé la classe avec ses expériences d’investigation "dont on ne sort pas indemne".
Douanes, puis police aux frontières avec le capitaine Fabrice Pamiès ont dépeint un territoire "aux flux très surveillés". L’adjudant-chef David Vincent a brossé les initiatives de la gendarmerie comme la Maison de prévention et protection des familles. Enfin, Patrick, Mathieu et Laurent de la CRS 58 ont impressionné les jeunes en déplaçant jusqu’au lycée un fourgon d’intervention entièrement doté : munitions, boucliers, casques, tenue robocop.
La lecture des copies montre que la parole des "Bleus" fut reçue 5 sur 5. Léa rappelle que "ce service public oscille entre prévention, répression, investigation, protection des personnes et des biens, lutte contre le terrorisme, immigration clandestine et toute forme de délinquance". Maelyne a intégré que "les forces de l’ordre se complètent. Bras armés de l’Etat, selon l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme, elles garantissent nos droits fondamentaux."
Entre flics et élèves, aucun tabou : salaire, risques, manque de reconnaissance, compatibilité vie personnelle et professionnelle, violence dite policière. "Jamais gratuite; elle répond graduellement à une agression, tout en étant balancée par la difficulté d’agir en situation de stress. Le policier ne tire pas de sa propre initiative, sauf légitime défense, il applique des ordres hiérarchisés et très contrôlés", précisent ces fonctionnaires animés, quel que soit le grade, par un remarquable sens du devoir.
"Les forces de l’ordre n’agissent pas contre mais pour nous ! Plus qu’un métier, c’est une vocation admirable", s’enthousiasme Marilou, rejointe par Margot : « Sans eux, le pays tomberait dans le chaos, ils sécurisent la nation". Zineb conclut en citant Alexandre Dumas : "Un pays sans police est un navire sans boussole et sans gouvernail."
Gageons que ces matelots ont saisi que la force publique permet au paquebot France de maintenir son cap démocratique. L’inattendu du projet se lit dans les retours des intervenants : "Présenter les CRS devant des lycéens paraissait délicat. D’entrée l’atmosphère a été plantée par la politesse et le respect de ce groupe, notre présentation s’est avérée constructive tant les questions étaient pertinentes. En extérieur, la démonstration des équipements de protection était encore plus cordiale et participative. Après 33 ans de service, je n’oublierai pas cette matinée. Elle restera pour nous trois un moment privilégié. Nous espérons avoir donné une image réaliste et naturelle de notre métier et vous remercions de cette initiative", indique le major et armurier Patrick V.
Même son de cloche du côté militaire avec l’adjudant Sébastien Joly "confronté avec bonheur à des élèves enthousiastes, curieux et intéressés". La police municipale de Perpignan, n’est pas en reste : "Ces jeunes désireux de comprendre notre action ont lancé un dialogue humain et efficace. L’expérience est très positive". Le clap final revient au commandant Bernard Duluc : "Ce défi périlleux demandait de renoncer à la discrétion cultivée par la PJ. Pertinence, générosité, bienveillance des élèves m’ont réjoui et réconcilié avec une jeunesse dont je ne perçois parfois que les aspects les plus sombres. Qui ce jour a le plus reçu de l’autre ? La réponse n’est pas forcément ce que j’imaginais."