Très attachés aux valeurs de la République que nous ont enseignés nos professeurs d'Arago, ou que nous mêmes avons promu dans l'éducation nationale, nous avons été atterrés devant la barbarie qui a frappé Samuel PATY.
Il n'avait fait que son travail ! Et cela lui a coûté la vie.
Sache Samuel que nous n'abandonnerons jamais la lutte contre tous ceux qui veulent détruire nos valeurs, héritées de 5 siècles de luttes contre toutes les barbaries.
Repose en paix. Nous suivrons toujours ton exemple.
"A la fin du Moyen-Âge, tous les pays chrétiens et musulmans vivaient sous le même régime d’intolérance. Un simple soupçon de blasphème ou d’impiété pouvait vous mener à l’échafaud. Les gens des autres religions ne disposaient pas des mêmes droits et étaient à peine tolérés. On peut même dire que les pays musulmans, l’empire ottoman en particulier, étaient un peu plus tolérants envers les juifs et les chrétiens que les pays chrétiens ne l’étaient envers les juifs et les musulmans.
Et puis, en Europe, il s’est passé deux phénomènes, étroitement liés, qui ont fait la société où nous vivons aujourd’hui, la France, et plus généralement les pays occidentaux : la naissance de l’esprit scientifique et la philosophie des lumières. Cela a mis quatre siècles pour aboutir, du XVIe siècle au début du XXe siècle, le travail a été long, douloureux et sanglant. Au bout de ce travail, il y a, entre autres, le droit au blasphème...
"Si vous êtes libres de pratiquer votre religion en France, si vous avez les mêmes droits que les chrétiens, c’est grâce au blasphème !
Beaucoup de gens aujourd’hui refusent l’idée de blasphème, pas seulement les musulmans. Il faudrait « respecter » les religions. Mais c’est justement parce qu’on ne les a pas respectées que nous sommes libérés de l’emprise religieuse, et que nous vivons en démocratie, dans un pays où toutes les religions sont acceptées. Charlie Hebdo ne va pas trop loin, Charlie Hebdo fait avec courage son travail de journal satirique, qui s’en prend à tout le monde, sans distinction de religion ou d’origine, parce qu’en démocratie on a le droit de se moquer de tout et de tout le monde. Sachez que Charlie Hebdo, qui est plutôt classable à l’extrême gauche, s’en est pris au racisme, à l’extrême droite, au christianisme, aux hommes politiques de tous bords. Et à l’islam, donc, à égalité avec les autres. Pourquoi auraient-ils dû faire une exception uniquement pour l’islam ?, qui a empêché la religion catholique d’imposer sa loi. Les musulmans sont redevables de leur liberté aux blasphémateurs.
En France, on peut critiquer avec virulence tout le monde, les partis politiques, les institutions, les hommes politiques, les artistes, etc. Faut-il faire une exception pour les religions ?
En France, on peut moquer le catholicisme, le judaïsme, le bouddhisme, sans risquer sa vie. Pourquoi ne peut-on moquer l’islam sans risquer sa vie ? L’islam serait-il une exception ?
L’islam peut être critiqué et moqué, comme toutes les autres religions, comme toutes les croyances, comme toutes les opinions, car en démocratie, une religion est une opinion, elle n’est pas sacrée. Si vous n’admettez pas cela, alors vous n’admettez pas la démocratie. Cela signifie que vous souhaitez vivre dans une société sans liberté d’expression, où on ne critiquera plus rien ni personne, dans une société sans blasphème, où la religion dictera aux gens leur manière de vivre, les limites de leur comportement et de leur parole. C’était la France au Moyen-Âge. C’est l’Arabie saoudite aujourd’hui."
Ou la Turquie de M. Erdogan !
Texte de Pierre Jourde, journaliste, professeur d'Université et écrivain publié le 20 octobre 2020 dans le Nouvel Obs